Obéissance et désobéissance corrigée

Une organisation qui est uniquement désobéissante et rebelle fait obstacle à la liberté autant qu’une organisation qui est toujours obéissante. 

Le psychologue Erich Fromm, de la théorie critique, montre qu’une libération signifie toujours désobéissance. Ainsi on croirait facilement qu’il s’oppose à toute sorte d’obéissance. Pourtant, l’obéissance aux décisions libératrices, démocratiques et justes est autant décisive dans le processus de libération que la désobéissance envers l’oppression et la domination. 

Selon Fromm, obéissance et désobéissance ne sont pas aux antipodes l’une de l’autre. Chaque action obéissante est en même temps une désobéissance envers quelque chose. De même, chaque action d’obéissance signifie une désobéissance envers quelque chose d’autre. La désobéissance civile peut p.ex. être obéissance envers les cris des opprimés qui demandent de la solidarité. Elle peut aussi être obéissance envers les victimes de la guerre. La désobéissance civile pourrait aussi se manifester dans l’obéissance envers la décision d’un groupe d’action en faveur d’une désobéissance civile. Obéir à une loi peut signifier une désobéissance enver les cris des opprimés et obéissance à la loi peut signifier désobéissance envers une certaine morale, ou envers un principe de justice. La passivité en face de l’oppression est en effet une désobéissance active envers la demande de libération qui vient des opprimés.

But I do not mean to say that all disobedience is a virtue and all obedience is a vice. Such a view would ignore the dialectical relationship between obedience and disobedience. Whenever the principles which are obeyed and those which are disobeyed are irreconcilable, an act of obedience to one principle is necessarily an act of disobedience to its counterpart and vice versa. (Fromm 1963)

Une organisation qui est toujours obéissante à la loi effectue une forme d’esclavage. En revanche, dit Fromm, celle qui ne fait que se révolter ne reste que rebelle, négation de l’ordre actuel.

La protestation fait de l’ordre dominant un acteur – vous ne devriez pas faire cela ! – et restitue ainsi le pouvoir même qui est l’objet de la protestation. C’est pourquoi la protestation ne construit pas de libération.

If a man can only, obey and not disobey, he is a slave; if he can only disobey and not obey, he is a rebel (not a revolutionary); he acts out of anger, disappointment, resentment, yet, not in the name of a conviction or a principle. (Fromm 1963)

L’obéissance et la désobéissance peuvent recréer et confirmer une libération. L’obéissance qui confirme et qui raffermit l’égalité libératrice n’est pas soumission mais fait en effet partie de la libération. La libération ne consiste pas en des actions libératrices indiviuelles. La libération a besoin d’être confirmée. Des actions libératrices ont besoin de se confirmer mutuellement pour qu’elles puissent vraiment établir des libérations. La confirmation n’est pas comprise ici comme un « avis » ou une« attitude » mais comme une légitimation active et une affirmation de libération.

Obedience to…reason or conviction (autonomous obedience) is not an act of submission but one of affirmation.  (Fromm 1963)

Per Herngren
2013

Traduit par Carolina Fjelstad, 2021

Référence

Erich Fromm, “Disobedience as a Psychological and Moral Problem”, 1963.

Larence Behrems and Leonard Rosen, (Ed), Writing and Reading Across the Curriculum, New York: Pearson, 2009.

Erich Fromm, On Disobedience and Other Essays, Routledge & Kegan Paul, 1984.

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